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Maladies du bois Mieux les connaître pour mieux s'en protéger

Depuis l'interdiction de l'arsénite de sodium, aucun traitement global de substitution n'est disponible contre les maladies du bois et l'esca, l'eutypiose ou le black dead arm sont en progression en France. Les chercheurs travaillent cependant activement sur ces maladies et les moyens de les comprendre et de les combattre.

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Depuis fin 2001, les vignerons doivent affronter l'esca, l'eutypiose ou le black dead arm sans l'arme efficace, mais toxique, de l'arsénite de sodium. Aucun traitement global n'étant encore venu remplacer ce produit, seules des mesures essentiellement préventives peuvent être prises. Une fois les champignons pathogènes présents dans le bois, il est trop tard. Le cep s'achemine vers une mort certaine dans un délai de quelques années. L'esca, l'eutypiose ou le black-dead arm (BDA) ont donc de quoi faire peur, d'autant que ces maladies sont en progression dans un grand nombre de vignobles français.

Une enquête est actuellement réalisée sous la houlette du ministère de l'Agriculture afin d'étudier l'évolution de l'esca et du BDA en France. Même si certains chercheurs estiment qu'il est encore trop tôt pour se prononcer sur une augmentation des maladies depuis l'interdiction de l'arsénite de sodium (en raison de la durée d'incubation), 60 à 80 % des ceps seraient en France concernés par la présence des champignons responsables de l'Esca (nécroses sans syndrome de dépérissement). Les mêmes taux sont avancés par l'institut au sujet du BDA. Certaines régions semblent plus affectées que d'autres : en Aquitaine ou dans les Charentes, l'eutypiose peut affecter, selon l'INRA, jusqu'à 20 voir 30 % des ceps dans une parcelle. La maladie semble essentiellement s'attaquer aux vignobles de l'ouest de la France. Quant au BDA, identifié pour la première fois en France en 1999, dans le Bordelais, il a gagné depuis l'Armagnac, la Champagne et la Provence.

Les conséquences de ces maladies sur le vignoble et la production sont multiples : les viticulteurs doivent remplacer les ceps morts ou dépérissants, l'encépagement local et traditionnel peut être modifié, voire déséquilibré si certaines variétés réputées moins sensibles aux maladies viennent à supplanter des cépages trop touchés. Les récoltes peuvent aussi présenter une diminution de la qualité, lorsque la perte est compensée par un excès de production sur les ceps sains.

Face au mal, la recherche se mobilise. L'unité Santé végétale de l'Inra et de l'Enita Bordeaux travaille ainsi dans plusieurs directions, et notamment dans l'étude des facteurs de risque. “La contamination se fait par les plaies de taille et peut être apportée par le vent, les outils, le sol ou dès la pépinière, explique Gwenaëlle Louvet, ingénieur d'études. On se demande toujours pourquoi certaines parcelles sont atteintes et d'autres pas, et pourquoi les symptômes s'expriment différemment d'une vigne à l'autre. Pour cela nous cherchons à connaître le parcours des champignons, notamment dans le vignoble. Nous venons de commencer un programme d'identification des champignons responsables de maladies afin d'étudier leur diversité génétique et de parvenir à distinguer les souches plus ou moins virulentes. ”.


Les chercheurs de l'Inra Bordeaux travaillent également sur les moyens de protection. “La protection la meilleure nous semble être le badigeon de mastic, le plus vite possible après la taille, ou de fongicide comme l'Escudo, qui a aussi un aspect curatif. Mais son application coûte cher, indique Pascal Lecomte, ingénieur d'études. La pulvérisation avec panneaux récupérateurs est un système moins onéreux. Lors de nos essais, on a constaté une réduction significative des infections dans le cas de tailles tardives (fin janvier- février, avant les pleurs). Cette méthode semble efficace pour réduire immédiatement la contamination des plaies de taille, mais sur le long terme elle semble moins fiable. Nous avons aussi réalisé des essais d'injections dans le cep. Les injections de triazoles (fongicide curatif) dans des ceps déjà assez malades n'ont pas montré de résultats encore très concluants. Nous avons aussi injecté des éliciteurs (molécules stimulant les défenses naturelles) sur des ceps un peu moins malades. Nous n'avons pas vu d'amélioration très nette mais il est encore trop tôt pour se prononcer”. L'Inra Bordeaux se penche aussi sur la lutte biologique, avec par exemple l'utilisation contre l'eutypiose d'un champignon antagoniste, le trichoderma, issu de la flore saprophyte. Pour Pascal Lecomte, cette méthode ne semble “raisonnable” qu'en préventif : protection des plaies de taille par badigeon ou pulvérisation, ou trempage des racines des plants avant plantation. “Il est là aussi nécessaire de poursuivre les expérimentations”, précise le chercheur.

Mais au-delà de ces essais, les scientifiques de l'Inra insistent sur la nécessité de comprendre le développement de ces maladies du bois qui d'ailleurs, selon Pascal Lecomte, s'apparentent plus à “des syndromes de dépérissement”. Les champignons s'attaquent aux ceps vulnérables. “On devra sans doute composer avec un ensemble de protections, explique Pascal Lecomte. Notre programme de recherches sur les facteurs de risque doit nous permettre d'en savoir plus sur la prévention globale de ces syndromes, qui pourrait passer par un meilleur choix des cépages pour tels sols et des systèmes de conduite et de taille plus adaptés.”

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